Samedi, 18 juin oblige, Nicolas Sarkozy devait se montrer sur le mont Valérien, pour célébrer la mémoire de quelques uns des
premiers résistants tués par l'occupant nazi, après l'appel du général de Gaulle. Le monarque était souriant. Dans la presse, on nous livrait les traditionnels sondages qui désormais nous
explique qu'il « remonte », et les articles habituels nous assurant qu'il est « confiant ».
Ces descriptions font peine à voir.
Story-telling inefficace
Remonte-t-il ? Nicolas Sarkozy est comme un spéléologue
coincé au fond d'une cavité qui viendrait de se dégager un pouce. Sa « cote » de popularité sondagière oscille entre 28 et 32% d'opinions favorables. C'est bien. On applaudit.
Sur l'autre élément de langage - la sérénité de Nicolas Sarkozy -, répété par tout ce que compte la Sarkofrance de
journalistes paresseux et d'idolâtres sarkozyens, on croirait, depuis un mois déjà, lire le même article à longueur de semaines, comme si un communiquant élyséen s'était chargé d'échelonner sa
publication sur plusieurs semaines dans différents médias.
Sarkozy est si confiant qu'il reste sur-actif pour gérer sa campagne, rappeler qu'il est le chef. Trois exemples récents
illustrent combien ce n'est pas toujours facile.
Rappeler qui est le chef
Anne Lauvergeon a été mitterrandiste dans le siècle d'avant. Ou plutôt, elle a bossé pour l'ancien président. Depuis 10 ans
déjà, elle présidait AREVA. Dans la gauche socialiste, dès que sa non-reconduction à la tête d'AREVA fut confirmée, nombreuses furent les critiques contre la décision présidentielle.
Une fois de plus, Nicolas Sarkozy n'en faisait qu'à sa tête. L'homme
est un piètre manager. Le nombre de ses ministres contraints à la démission depuis 2007 pour conflits d'intérêt ou abus de pouvoir est inédit. Il a également découragé nombre de supporteurs. Et
pourtant, il se croit tout disposé à choisir, seul, d'évincer Anne Lauvergeon. Depuis 2008, il s'est soigneusement conservé un droit inégalé de nomination de nombre de dirigeants à la tête
d'entreprises publiques (audiovisuel public) ... voire privées (Dexia, Banques Populaires, etc).
Dans le cas d'Anne Lauvergeon, on a peine à comprendre pourquoi un troisième mandat, pour une activité aussi «
long-termiste » que l'exploitation de l'atome, fut finalement rejetée par Nicolas Sarkozy : Lauvergeon était trop « indépendante », laissa-t-on entendre à quelques journalistes. Quel compliment indirect pour son successeur, l'anonyme
Luc Oursel ! « Deux mandats, dix ans à la tête d’une entreprise… C’était la fin de son mandat, le gouvernement a pris la décision de nommer à la tête de l’entreprise le numéro deux […].C’est
un choix de continuité » a justifié Sarkozy, vendredi, en
marge de sa rencontre avec Angela Merkel. En fait, le Monarque, que la rancune visiblement aveugle, n'a pas supporté qu'Anne Lauvergeon refuse le poste de ministre des Finances qu'il lui avait
proposé en mai
2007, quand l'ouverture politique était à sa mode.
Ne pas se laisser déborder
Il s'est fait griller la politesse. Trois jours avant sa décision de démissionner, Rama Yade expliquait publiquement à la
télévision combien elle adorait sa mission d'ambassadrice à l'UNESCO. Prévenue qu'elle allait se faire éjecter à plus ou moins brève échéance depuis qu'elle avait rejoint le camp Borloo, Rama
Yade préféra partir la première.
Nicolas Sarkozy a toujours considéré que Rama Yade était sa créature.
Il avait quelque raison. S'il ne lui avait permis de monter sur l'estrade de l'un de ses meetings de campagne en 2007 puis, une fois élu, donné un strapontin ministériel, Rama Yade ne serait sans
doute pas grand chose. L'ancienne secrétaire d'Etat aux droits de l'homme puis aux Sports n'eut comme faits de gloire que quelques prises de position symboliques de jeune femme boudeuse et
irréfléchie.
Jeudi, elle s'est épanchée
chez David Pujadas (France 2) : « j'ai voulu reprendre ma liberté de parole ».
Rassembler si possible
Après un score ridicule aux élections présidentielles (1,1% des voix), il avait rejoint la « majorité » sarkozyenne,
en août 2009. Chasse Pêche Nature Traditions avait fait liste commune avec l'UMP aux élections régionales de 2010. Nicolas Sarkozy l'avait même reçu à l'Elysée, ce Frédéric Nihous, président du
mouvement.
Le Monarque cherchait à coaguler autour de lui toutes les composantes de la droite. Puis, vendredi 17 juin, patatras ! Voici que même Nihous a des
velléités d'indépendance : il a annoncé sa candidature à la présidentielle. Motif ? « Aujourd'hui, un thème qui n'est pas représenté par un candidat à la présidentielle n'existe pas aux yeux
des médias et des pouvoirs publics ». Or, « nous sommes victimes de la condescendance et des préjugés d'un certain microcosme audiovisuel parisien, qui considère les habitants des zones
rurales comme des "péquenots"».
Quarante-huit heures plus tard, le Figaro constatait que le comité de liaison de la majorité
- ce machin censé conserver sous contrôle sarkozyen les différentes groupuscules de la majorité de 2007 - se délitait avant 2012.
Contrôler les dérapages
La semaine passée, Jacques Chirac a révélé, enfin publiquement, tout le mal qu'il pensait de son successeur. Le trait
d'humour, voici 10 jours, du vieux Chirac dévoilant sa flamme à François Hollande, a été si mal perçu et peu apprécié que Claude Chirac elle-même a dû réclamer audience à l'Elysée pour expliquer le
geste de son papa de 79 ans. «J’ai appelé Nicolas Sarkozy le dimanche et il a eu la gentillesse de me recevoir le lendemain. Je trouvais que la situation tournait à l’irrationnel. J’ai pensé
que c’était mieux d’aller le voir pour en parler ensemble » a-t-elle confié au JDD.
Dans la famille, on semble flipper. Le procès des emplois fictifs n'a pas commencé. Et Nicolas Sarkozy a très mal pris les
quelques confidences chiraquiennes à son égard dans le second tome des mémoires de l'ancien président.
Lundi 13 juin, pendant une Pentecôte que Sarkozy s'était réservée en congé, le candidat reçut la fille Chirac. Et il a
obtenu, « la promesse d’une plus grande neutralité de son prédécesseur à l’approche de la prochaine échéance présidentielle », dixit Bruno Jeudy, pour le JDD.
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