Le quai de Ouistream, Florence Aubenas.

Comment vit-on en France, aujourd’hui, quand on a un revenu inférieur au Smic – voire pas de revenu du tout ? Pour le savoir, Florence Aubenas, journaliste et grand reporter au Nouvel Observateur, quitte temporairement sa famille, ses amis et son emploi, pour vivre pendant six mois dans la ‘France de tout en bas’. Embauchée d’abord comme femme de ménage dans une ville de province, cumulant les contrats précaires, elle plonge dans un autre monde. Un monde où le travail est rare et les nuits brèves, l’exploitation maximale et la solidarité active. Où les lieux de rencontre sont le Pôle emploi et l’hypermarché local. Entre colère et résignation, chacun lutte pour sa survie.

Tout comme le livre « Tête de Turc », qui faisait suite à une immersion de deux ans du journaliste allemand Günter Wallraff dans la peau d’un turc dans son pays, ce livre nous interroge par son réalisme et son humanisme. Il ne s’agit pas d’un énième rapport public sur l’emploi ou l’exclusion, ni d’un article du Monde, par un journaliste qui n’aurait jamais quitté Paris. Bien au contraire.

Sur le vif, le lecteur découvre les difficultés du chômeur à Pôle Emploi, où l’on est qu’un dossier et où les offres de travail sont rares, l’accompagnement inexistant. L’hypocrisie de dire que les chômeurs le sont que parce qu’ils n’ont pas envie de travailler est dénoncée. D’un autre coté, le malaise des personnes qui y travaillent n’est pas occulté non plus, à Pôle Emploi aussi, il manque de personnel malgré les besoins et les conditions de travail ne sont pas bonnes, conduisant même certains salariés à se suicider.

Décrocher un CDI, voilà ce qui pourrait leur apporter un peu plus de stabilité et de sécurité. Mais même le CDI peut s’avérer un leurre : en effet, Florence Aubenas finira par en décrocher un… mais ce n’est pas un temps complet : la galère continue.

Malheureusement, la précarité est devenue une réalité, et cela affecte l’individu dans sa totalité : comment se soigner correctement, alors que le travail casse physiquement et moralement ? Comment éduquer ses enfants, alors que le travail de nuit est la norme et l’avenir incertain ? Non, le droit du travail n’est pas trop protecteur en France. Bien au contraire, les conditions de travail sont bien souvent négligées. La gauche se doit d’investir ce champ et de porter des revendications fortes, pour que le travail ne soit plus un lieu de torture mais d’épanouissement personnel et social, rémunéré pour permettre à chacun de vivre dignement.

[Littérature française XXIe]
Editeur : L’Olivier

Merci à : MJS Nord